Maudits rivages
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Si le terme de canaille dans le cas du cap qui porte ce nom ne fait donc nullement référence à des brigands, par contre une croyance tenace mais infondée prétendait que des bandes de naufrageurs opéraient sur les côtes bretonnes. Cette croyance concernait aussi bien l’île d’Ouessant que les côtes du Finistère.
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En réalité aucune source historique ne permet d’attester l’existence de naufrageurs en ces lieux, ni même ailleurs. L’origine de cette idée remonterait à une légende bretonne rapportant qu’un peuple du nom de Paganiz accrochait, de nuit et par mauvais temps, des lanternes aux cornes des vaches, pour provoquer des naufrages. Lorsque les navires s’échouaient sur le rivage, les Paganiz tuaient les survivants avant de les dépouiller. L’idée que les naufrageurs aient pu exister fut également popularisée par des écrivains au XIXe siècle comme Michelet ou Maupassant. Les Paganiz vivaient dans le nord du Finistère, sur un territoire auquel ils ont laissé leur nom : le Pays pagan.
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De très nombreux naufrages se sont produits au fil des siècles dans les parages d'Ouessant, réputés pour leur dangerosité en raison des centaines d'écueils et de la violence des courants marins, tel celui du Fromveur. A tel point que les marins qui devaient s’en approcher en éprouvaient de l'effroi et qu’elle fut même qualifiée d’«île de l'épouvante».
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Ces naufrages ont donc été provoqués non pas par des naufrageurs, mais bel et bien par des brisants, des courants marins dangereux et des conditions climatiques exécrables. Ce sont ces éléments naturels qui ont contribué plus que tout à façonner le destin tragique de ces marins et de leurs passagers qui ont péri sur ces rivages, maudits pour eux.
Illustration : The Wreckers, Robert Swain Gifford (1877)

Les Pilleurs de la mer, Octave Perguilly L'Haridon
Gravure (1848)


